La diversité des virus infectant les archées non-extrémophiles a été grossièrement sous étudiée. C'est en particulier le cas pour les virus infectant les archées méthanogènes, qui sont pourtant des acteurs clés dans le cycle biogéochimique global du carbone. Une dizaine seulement de tels virus ont été isolés jusqu'à présent. Dans notre étude, nous avons mis en œuvre un couplage original entre le marquage isotopique (Stable Isotope Probing, SIP), et des analyses complémentaires de métagénomique shotgun, pour identifier des virus infectant des archées méthanogènes impliquées dans la bioconversion du formate au sein d'écosystèmes de digestion anaérobie. Pour cela, nous avons employé ce substrat comme seule source de carbone au sein de microcosmes de méthanisation.
Les analyses métagénomiques, incluant l'analyse des contigs viraux ainsi que la prédiction de leur hôte en utilisant des bases de données de spacers, ont abouti à la découverte de plusieurs génomes viraux qui n'étaient pas connus jusqu'à présent. En particulier, nous avons obtenu le génome complet d'un caudovirus infectant Methanobacterium, et qui représente une nouvelle famille virale (Speroviridae). Nous avons également identifié des génomes quasi-complets de virus fusiformes, dont les hôtes prédits appartenaient respectivement aux genres Methanobacterium et Methanosarcina. Ils font partie des premiers virus de morphotype fusiforme identifiés pour les archées méthanogènes.
De plus, les virus d'archées déjà connus et l'ensemble des contigs viraux susceptibles d'être associés à des archées méthanogènes ont été analysés par des réseaux de gènes-partagés. Ceci a mis en évidence la dominance de caudovirus, néanmoins relativement éloignés de ceux déjà connus, et la présence de virus différents, sans doute spécifiques aux archées, tels que les deux virus fusiformes évoqués ci-dessus.
Ainsi, notre approche expérimentale originale permet d'identifier les virus infectant des groupes fonctionnels clés, contribuant aux flux biogéochimiques au sein de communautés de microbes non-cultivés. Elle pourrait être employée pour étudier les virus infectant les microorganismes actifs dans tout type d'écosystème. De plus, elle pourrait être développée en appliquant le SIP directement aux ADN viraux, et nous en avons établi la preuve de concept en utilisant le modèle biologique Escherichia coli et son bacteriophage T4.